Les 10e Assises 2017 du journalisme qui se sont tenues du 15 au 17 mars à Tours s’étaient donné comme objectif d’explorer le futur, le journalisme et l’information dans 10 ans. Le débat « la liberté informer dans 10 ans » a passé en revue les menaces qui pèsent sur une libre information des citoyens.
Un des phénomènes nouveaux – ou à tout le moins en expansion – est la guerre de l’information. On n’y hésite pas à lutter contre le journalisme en invoquant … la liberté d’expression ! Car, constate Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF les « journalistes ont de moins en moins d’alliés« , dans le débat public « le respect pour la liberté de la presse est dans train de disparaître« .
Au delà de déclarations cyniques revendiquant la liberté d’expression pour attaquer des journalistes et leurs enquêtes, les techniques de censure se modernisent. Okhin, un des animateurs de La Quadrature du Net, a raconté comment, quand un gouvernement veut bloquer la diffusion d’informations, il peut faire » freiner la vitesse d’accès à Internet pour un site dérangeant » ou « créer une copie conforme du site visé, moins les éléments qui gênent » : le plus souvent l’internaute ne s’en rend pas compte.
De plus en plus, a rappelé Nicolas Vescovacci, auteur du film sur le Crédit Mutuel censuré sur Canal +, »les entreprises mettent en œuvre des moyens juridiques pour contrer nos enquêtes, car le censure la plus efficace est celle qui nous empêche d’avoir accès à l’information« . L’intimidation physique, économique et/ou juridique des médias et les journalistes risque de produire ses effets longtemps: Gülsün Güvenli, enseignante en journalisme à l’université Galatasaray d’Istambul, a constaté une baisse du nombre de candidats aux études de journalisme depuis que le gouvernement du président Erdogan multiplie les menaces et les sanctions contre la presse.
La réponse à ces attaques doit venir de l’ensemble de la société, a dit Okhin, appelant à « une prise de conscience sociale de la nécessité de la défense de l’accès à l’information ». Car « le monde sans journalistes, ces empêcheurs de gérer en rond, est un monde aux ordres des riches et des violents » a souligné d’entrée Dominique Gerbaud, ancien rédacteur en chef de La Croix, qui animait cette table ronde.
A propos de la loi Bloche
Un peu plus tard, un atelier planchait sur la « loi Bloche » et notamment sur les dispositions de cette loi du 14 novembre 2016 « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » qui concerne la déontologie. Les dispositions permettant à un journaliste de refuser un acte « contraire à sa conviction professionnelle » ont été intégrées dans l’emblématique loi de 1881, sous l’article 2bis.
Une autre nouveauté est la mise en place dans chaque média d’une charte éthique, avant le 1er juillet 2017. On ne note cependant aucun « emballement » pour ces négociations selon les participants à cette table ronde. Les représentants des syndicats présents à la tribune ou dans le public ont déploré que la notion de « représentants des personnels » concernés par la loi dans ces négociations soit floue et permette de tourner l’avis des rédactions. Ils ont surtout rappelé que la déontologie de l’information doit être la même partout: « on ne change pas de déontologie en changeant d’organe de presse, » a dit Emmanuel Poupard, secrétaire général du SNJ, « c’est comme si le code de la route changeait quand on passe d’un département à un autre« .
Mais pour Sophie Lecointe, conseillère au cabinet de la ministre de la culture et de la communication, si un média n’avait pas adopté de charte déontologique au 1er juillet 2017 , ce sont les textes du SNJ de 1918/1938/2011, la Charte d’Éthique du Journalisme Professionnel – ici – , et la Déclaration des Droits et Devoirs des Journalistes de 1971, dite Charte de Munich – ici – qui pourront être invoquées, y compris devant les tribunaux. Ce qui leur donne, a t elle dit, « une forme de reconnaissance juridique« .
L’expérience de la rédaction des Échos, qui a récemment négocié avec son nouvel actionnaire LVMH sur ces questions d’éthique et d’indépendance, montre, selon Leila de Comarmond, présidente de la Société des Journalistes des Échos, que « c’est la vie de ces accords [sur un comité et une charte d’éthique] et le rapport de force établi avec l’actionnariat qui fait l’efficacité de ces dispositifs d’indépendance éditoriale « .
Il a été enfin question des comités d’éthiques rendus obligatoire, sous le contrôle du CSA, dans l’audiovisuel privé. Nathalie Sonnac , membre du CSA, a annoncé à cette occasion une consultation publique sur l’organisation de ces comités. PG